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Auteur : Luc Boltanski et Eve Chiapello
Titre : Le Nouvel esprit du capitalisme
1999

Origine : http://www.revuerespublica.com/index.php3?page=livres/critique&id=5


Comment comprendre les changements opérés par le capitalisme depuis le début des années 1970 ainsi que le rapport entretenu avec la «critique» ? Avec Le nouvel esprit du capitalisme, Luc Boltanski et Eve Chiapello nous offrent une analyse synthétique des «changements idéologiques qui ont accompagné les transformations récentes du capitalisme» (p. 35). Décrivant le capitalisme comme une forme historique «parfaitement détachée de la sphère morale» (p. 58) dont le seul objectif est l'accumulation du capital, les auteurs analysent comment s'est constitué un nouvel esprit du capitalisme à partir de la récupération des exigences proférées par la critique. Dans cette perspective, Boltanski et Chiapello identifient deux types de critique agissant souvent ensemble mais ayant des exigences différentes : la critique artiste et la critique sociale. La première s'associe à un mode de vie bohème mettant en avant la perte de sens (du beau et du grand) ; la seconde est inspirée du socialisme et vise l'égoïsme des intérêts particuliers.

C'est grâce à la récupération de la critique artiste — dont Mai 68 est l'expression majeure — que le capitalisme s'est revivifié en intégrant les exigences mêmes qu'il semblait refuser. En abandonnant le modèle fordiste de l'organisation du travail, le nouvel esprit du capitalisme a su neutraliser la critique en sapant les bases mêmes de son argumentation. Si bien que sa restructuration s'est faite alors que la critique était incapable de déceler les nouvelles formes de son organisation. «Les dangers que court le capitalisme quand il peut se déployer sans contrainte en détruisant le substrat social sur lequel il prospère trouvent un palliatif dans la capacité du capitalisme à entendre la critique qui constitue sans doute le principal facteur de la robustesse qui a été la sienne depuis le XIXe siècle.

Or la fonction critique (voice), qui n'a aucune place à l'intérieur de l'entreprise capitaliste, où la régulation est censée être opérée uniquement par la concurrence (exit), ne peut s'exercer que de l'extérieur. Ce sont donc les mouvements critiques qui informent le capitalisme sur les dangers qui le menacent. Leur rôle est rendu particulièrement nécessaire par la tendance du capitalisme à échapper à la régulation marchande et donc à la régulation par la concurrence (exit) dont la mise en réseau constitue aujourd'hui l'expression. Mais ce type de régulation par le conflit se fait à un prix très élevé, acquitté surtout par ceux qui prennent en charge la critique et lui prêtent leur voix» (p. 617).

Ainsi, Luc Boltanski et Eve Chiapello nous invitent à comprendre les transformations opérées par ce nouvel esprit du capitalisme et à relancer, de manière efficace, ces deux critiques complémentaires.

Eduardo Rihan Cypel